… et à l’homme envahi et conquis par tous ces espaces qui gâchent son plaisir de badaud et d’amoureux de la verdure, car il faut y ajouter l’effritement du pouvoir d’achat et la baisse de la demande au moment même où, paradoxalement, l’offre est devenue imposante. On marche sur la tête !
La prolifération des centres commerciaux ne se décrit plus tant elle saute aux yeux, cette dernière décennie. Celle qui était censée consacrer de nouveaux acquis économiques et sociaux, nés des espoirs nourris par la révolution du 14 janvier 2011, a profondément déçu, laissant des miettes au citoyen tunisien appauvri économiquement et fragilisé socialement. Malgré cela, ces endroits destinés au shopping et aux fast-foods poussent comme des champignons, ces dernières années, partout en Tunisie du nord au sud, au détriment des espaces verts ou de détente et loisirs en prime. L’intention n’est pas de blâmer les bâtisseurs de tels projets d’envergure à fort potentiel et qui nécessitent une manne financière et des investissements importants, mais plutôt de lancer un appel citoyen afin que l’Etat, à travers ses municipalités, impose dorénavant des conditions d’ordre écologique et environnementale soucieuses et respectueuses de la nature dans le cahier des charges de l’entrepreneur. Les «malls» et les hyper-centres de commerce ouvrent à tour de bras et dans de nombreux quartiers de la capitale et gouvernorats stratégiques. Il y a deux ans à Ben Arous, mais aussi du côté d’El Manar mais aussi à Sousse, il y a cinq ans au Lac 2 ou à Djerba ou encore Gabès, on ne compte plus ces espaces géants qui font de l’ombre aux projets verts qui se comptent sur le bout des doigts, voire tout bonnement inexistants. Certes, ils sont créateurs d’emplois, dynamisent la consommation mais il n’y a pas une création de richesses sur le plan macro-économique ou de productivité.
Un système basé sur la consommation
Il faut dire que les espaces privés gérés par des investisseurs, qui n’ont pour seule envie que de générer des gains et de nouveaux capitaux, ne songent pas à l’aménagement d’espaces verts pour la randonnée et la marche en ville. Hormis les parcours de santé aménagés, il y a des lustres, dont l’exemple n’est autre que le complexe sportif d’El Menzah qui date de 1967, ou celui de Radès en 2001, il n’ y a rien de nouveau ni de réjouissant. Et dire qu’il y a quelque temps, l’urbanisme ravageur a failli faire des dégâts avec la tentative de transformer le stade Chedly Zouiten et ses alentours en un méga complexe résidentiel. On grignote sur les quelques espaces verts qui subsistent pour implanter des projets pharaoniques à caractère immobilier, commercial sans aller au-delà vers des projets publics et sociaux en Tunisie.
Une politique d’urbanisme et d’agencement du territoire désastreuse, à la limite du condamnable. Dernier exploit en date, ces deux «malls» du groupe Chaâbane qui vont ouvrir très prochainement à Ennasr (Ariana) et à Sfax respectivement en fin d’année 2021 et 2022. Après avoir réussi la prouesse d’implanter deux centres commerciaux juxtaposés au Lac 2, le voilà qui remet le couvert dans deux zones névralgiques et de population dense. Doit-on croiser les doigts et espérer simplement que ces espaces commerciaux cohabitent avec un espace vert aménagé pour le plaisir des badauds et le bonheur des riverains ?
Entre déception et colère des habitants
A voir les images postées il y a deux jours sur les réseaux sociaux, on voit une dominante à base de béton et d’acier, ce que les gens ne supportent plus. Les réactions parfois virulentes ne se sont pas fait attendre : «Un peu de verdure n’aurait pas été de trop. Cette bâtisse est un mastodonte de béton, d’acier et le comble du mauvais goût». «Prière de penser à une aire de jeu pour enfants en plein air, un espace de sport du type Skate Park, une aire pour l‘escalade ou même un terrain de basket. Prière de prévoir une bibliothèque gratuite, un espace de débat pour le quartier. Prière de prévoir un espace non couvert et vert pour contrebalancer avec tout cet aspect métallique et fermé sur l’extérieur de la façade» ; «Vous implantez un mall en pleine zone résidentielle avec un embouteillage déjà présent tout au long de la journée. Avez-vous prévu un métro pour y accéder ? Avez-vous prévu les routes nécessaires afin d’éviter le désastre ? Ce projet ne fait que confirmer encore plus l’échec du plan d’urbanisme des quartiers en Tunisie», peut-on lire comme commentaires sur les réseaux sociaux.
Toutefois, le début des travaux d’un hôpital il y a un mois à Thala du même groupe d’entrepreneurs nourrit des espoirs que les seuls centres à caractère commercial ou lucratif ne soient pas nécessairement privilégiés. Pour que le poumon vert de la ville respire de nouveau. Il n’est jamais trop tard !